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Montpellier, le 25 février 2006




LETTRE OUVERTE AUX CONSEILLERS GÉNÉRAUX DU DÉPARTEMENT DE L’HÉRAULT


Les associations signataires de cette lettre souhaitent vous faire part de leurs inquiétudes concernant les projets d’aménagement des plages en cours dans le département, notamment sur le Lido de Carnon à La Grande Motte et sur celui de Sète à Marseillan.


DES ORIENTATIONS DE FOND PRISES SANS CONCERTATION

Il nous semble que ces deux projets, proposés par la Mission Littorale et initialement motivés par la lutte contre l’érosion, ont été dénaturés pour servir de véhicule à l’introduction d’un modèle standardisé de gestion des plages.

Le Conseil Général étant maître d’ouvrage, vous avez récemment approuvé la charte d’aménagement du Lido entre Carnon et la Grande Motte au cours d'une séance à laquelle certains d'entre nous ont assisté. Les questions de fond n’ont pas été clairement posées ni soumises au débat public. Certains élus se sont déclarés peu informés des différents aspects du dossier. Le même constat a été fait par les conseillers de la CABT*, maître d’ouvrage pour le Lido de Sète à Marseillan, alors que des sommes considérables sont en jeu.

Nous regrettons l’opacité et le manque de concertation qui entourent depuis quelques temps les dossiers d’aménagement du littoral. Les comités de pilotage de ces projets ne comprennent aucun représentant des associations écologiques ou d'usagers de ces plages. Les élus, tout autant que la population, sont placés devant le fait accompli. Les décisions semblent déjà prises avant d'avoir été discutées ou même énoncées clairement.

Dans le cas du Lido de Carnon à La Grande Motte, une concertation publique a certes été organisée, mais deux mois après l'acceptation de la charte. Malgré les fortes oppositions exprimées lors des réunions publiques et par l'intermédiaire des associations, le projet ne semble pas être remis en cause et la première phase est déjà en cours. En outre, cette concertation s'est tenue dans les seules communes de Carnon et La Grande Motte, alors que le projet d'aménagement concerne et pénalisera surtout les habitants du département ne résidant pas à proximité immédiate du littoral.


LA FIN DE LA PLAGE LIBRE ET DÉMOCRATIQUE 

Les récentes réunions publiques, au cours desquelles les projets d’aménagement du littoral héraultais ont été présentés pour la première fois, ont révélé une détermination inquiétante de mettre fin au principe de gratuité de l’accès à la plage. Mr Pomel, directeur de la Mission Littoral, a déclaré de façon très explicite qu’il était temps d’appliquer le principe de l’usager payeur et qu’il considérait la gratuité comme scandaleuse et irresponsable.

La charte d’aménagement du Lido de Sète à Marseillan l’annonçait déjà de façon on ne peut plus explicite : « En tout état de cause le public sera appelé à participer financièrement à la gestion du site."

Concrètement, il s’agit d’empêcher toute possibilité de se garer le long de la plage en dehors de poches de stationnement. Si, comme annoncé, ces parkings deviennent payants, cela revient à taxer l'accès à la plage. Ces parkings représentent pourtant des investissements importants (6 millions d’euros pour le projet Sète-Marseillan) et entre Carnon et la Grande Motte, certains deront de plus être aménagés sur des terrains appartenant au Conservatoire du Littoral.

Si ces projets se concrétisent, il ne restera plus une seule plage non urbaine, facilement et gratuitement accessible, sur tout le littoral héraultais de La Grande Motte au Cap d'Agde.

Les arguments censés justifier ces mesures draconiennes nous laissent perplexes : les usagers aggraveraient l’érosion des plages en piétinant les dunes, les voitures stationnées le long de la route pendant les heures de baignade seraient d’une laideur insupportable, nos plages souffriraient de surfréquentation. Un peu de pédagogie sur le respect des ganivelles, un espacement adéquat des sentiers d’accès, une application plus rigoureuse de la loi concernant les motocross, squads, campings car, des toilettes démontables, etc. et un simple stationnement en contre-allée ou en épi seraient des mesures sans doute plus appropriées, moins onéreuses et plus démocratiques.

Les plages sont fréquentées l’été depuis l'invention des congés payés, il ne s’agit pas d’une nuisance mais d’un acquis démocratique. Le mode de stationnement actuel permet une régulation idéale de la fréquentation, puisque le public est harmonieusement réparti sur toute la longueur du Lido et que le nombre de personnes sur la plage est limité par le nombre de places naturellement existant le long de la route. S’il est supprimé, plusieurs milliers d’usagers seront déversés au même endroit, ce qui ne sera ni agréable ni écologique. L’accès deviendra très compliqué pour les personnes âgées, les handicapés ou les familles avec des enfants en bas âge. La plage ne sera plus ce grand lieu convivial où on peut se ressourcer et partager de simples moments de bonheur. Elle deviendra un parc gardé d'où seront exclus les plus défavorisés.


L’AMÉNAGEMENT DES SITES NATURELS : UN NOUVEAU MARCHÉ ?

Si de tels projets voient le jour, la plage ne sera plus un espace naturel, elle deviendra un site aménagé répondant à une logique commerciale.

Sur ces fameux parkings, on aura des « services », voire même des « animations » et une « maison de la nature » (dans la bande des 100 mètres ?). On nous parle de « méthode exemplaire de gestion des grands sites » en prenant l’exemple de la pointe du Raz. Sur les parkings de ces « sites exemplaires », on déverse les touristes par cars entiers, on installe des buvettes et des boutiques de souvenirs. Aux États-Unis, où la gestion privatisée des sites naturels est devenue la règle, les parcs nationaux ont été concédés à Disney World, Coca Cola, etc. Est-ce l’avenir que nous voulons pour les grandes plages de sable de notre littoral ?

Les principes énoncés par Mr Pomel et les mesures de restriction d’accès envisagées ouvrent la porte à une gestion privatisée de la plage. On envisage même de créer une structure spécifique, disposant de son propre personnel. L’espace de la plage est, depuis plusieurs années déjà et sans débat public préalable, de plus en plus envahi par des concessions privées. Or le nivellement des dunes au bulldozer nécessaire à l’installation de ces plages privées n’est nullement remis en question, pas plus que les nuisances visuelles ou sonores qu’elles génèrent. Ce type de structure introduit en outre sur la plage une forme de discrimination sociale jusque là inconnue dans notre département et rappelle un modèle économique, celui de la Côte d’Azur, qu'on n'a jamais souhaité imiter ici. Derrière ces aménagements, la volonté de rentabiliser l'espace de la plage est manifeste. Cette « évolution » se ferait au profit de grandes sociétés de service accaparant les bénéfices d’une fréquentation touristique haut de gamme, bien canalisée. Dans cette perspective, la fréquentation populaire est un obstacle à éliminer.


Plusieurs milliers de personnes ont déjà exprimé leur indignation devant la confiscation de ce patrimoine collectif. Ce mouvement ne fera que s'amplifier avec le temps et la concrétisation de ces projets. C’est pourquoi nous vous demandons de prendre le temps de réfléchir aux tenants et aboutissants de ces décisions et d’exiger avec nous qu’un débat loyal et démocratique ait lieu au Conseil Général. Un débat qui devra permettre de clarifier, entre autres, la question du financement public du rechargement en sable des plages, qui nous semble avoir peu de rapport avec les questions de stationnement que nous venons d'évoquer.


Pour sauver notre littoral, il existe d’autres solutions que celles qui nous sont actuellement proposées et qui reviennent à empêcher des milliers d'héraultais de se rendre la plage.